Histoires inspirantes

CHRISTOPHER

photo EMSOM-Christopher

« En construction depuis mes 16 ans, je suis de ceux qui ont appris « sur le tas ». De nos jours, pour la stabilité et l’avancement de carrière, il faut un diplôme. Maintenant, plus de portes s’ouvrent à moi. J’ai confiance en mes capacités professionnelles et en mon rôle de père de famille. »

Diplômé en arpentage et topographie

Le pari d’une vie

 

Fils d’immigrants, Christopher est invité très jeune à participer à la vie économique de sa famille. Pour ce faire, son père l’incite à le rejoindre sur les chantiers de construction. Rapidement, il acquiert un important bagage de connaissances et sa charge de travail augmente. Il apprend à jongler habilement avec l’école et le travail. Les semaines se suivent, mais ne se ressemblent pas. Mais si elles ont une chose en commun, c’est qu’elles sont longues et souvent éreintantes.

Sur les chantiers, il devient un ouvrier indispensable et ses patrons lui font miroiter des possibilités d’avancement prometteuses. Toutefois, ces paroles en l’air semblent trop belles pour être vraies. Christopher croit que le développement de son potentiel ne passe pas par les autres, mais par lui-même.

Les années passent, et les choses changent dans le quotidien de Christopher avec l’arrivée de ses deux adorables petites filles. Maintenant âgé de 28 ans, le jeune père cherche une façon de pouvoir ralentir la cadence afin de profiter davantage de la vie avec sa petite famille.

Une solution s’imposera d’elle-même : retourner à l’école.

 

Entre l’école et les chantiers

 

Alors que ses parents sont originaires du Chili et du Mexique, Christopher, lui, est né à Montréal. « Mes parents étant immigrants, ils m’ont demandé assez jeune d’aller travailler pour rapporter un peu de sous à la maison », explique Christopher. À 16 ans, il devient ouvrier de manœuvre, finisseur de béton et opérateur de machinerie lourde à temps plus que plein durant l’été, tout en continuant ses études secondaires durant l’année scolaire. Il apprend les rudiments de la construction aux côtés de son père, « sur le tas ».

 

 

En 2012, une importante grève étudiante frappe le Québec. Ses études au Cégep en sciences humaines sont mises sur pause pendant plusieurs mois, Christopher se sent contraint d’y mettre un terme pour devenir travailleur de la construction à temps plein. À 18 ans, il obtient son titre de compagnon. Il poursuit le développement de ses compétences en suivant des formations avec la Commission de la construction du Québec et des cours de perfectionnement pour les travaux de béton au Cégep Ahuntsic.  Rapidement, Christopher gravit les échelons. Ses aptitudes, sa polyvalence et son caractère sont remarqués. Il devient contremaître sur d’importants chantiers un peu partout en province.

 

Un duo vissé serré

 

« C’est mon père qui m’a légué ce côté polyvalent et débrouillard, comme le personnage de MacGyver[1] », raconte Christopher. C’est d’abord par la mécanique qu’ils se sont rapprochés. « J’ai tellement appris de mon père », dit celui qui sait maintenant manipuler, entretenir et modifier la machinerie. Sur les chantiers, père et fils forment un duo du tonnerre. Ils développent une expertise avec la paveuse à béton. « On a coulé le béton de plusieurs grandes routes au Québec. Chaque fois que je roule dessus en voiture, je précise que c’est moi qui ai fait ça! Ça me rend très fier. »

[1] Personnage de la série télévisée MacGyver (1985-1992). Brillant étudiant du MIT, MacGyver travaille pour le gouvernement en tant qu’agent spécial, utilisant ses dons et son intelligence pour effectuer des missions périlleuses, nécessitant un sens aigu de la débrouille et l’emploi du système D. Source : Wikipédia.

Pourtant, une arrière-pensée est toujours présente. « J’étais un très bon étudiant à l’école, et je me retrouvais souvent à penser que je n’exploitais pas tout mon potentiel », dit Christopher en réfléchissant. Passionné par le génie civil, il se questionne à savoir si un baccalauréat dans ce domaine ne serait pas la bonne voie à suivre.  L’arrivée de sa première fille le fait encore plus hésiter. Il se demande si des études universitaires de plusieurs années valent vraiment la peine, surtout en considérant la baisse de revenus substantielle durant cette période.

 

Un déclic avec de la perspective

 

Alors qu’il gère un chantier routier, Christopher doit un jour rapidement se débrouiller quand son collègue arpenteur quitte son poste pour un congé parental. À sa grande surprise, il découvre un corps de métier fascinant. « J’avais une idée préconçue sur les arpenteurs. Je croyais que ça ne faisait rien! J’ai été étonné de voir qu’il faut énormément de savoirs. » Intrigué, il se renseigne sur le DEP en arpentage et topographie à l’école des métiers du Sud-Ouest de Montréal. Obtenir un diplôme aurait certainement des impacts positifs sur sa vie. Il convient que cela lui permettrait de s’épanouir et de profiter d’un horaire plus stable.

Un arpenteur lui a confié que certaines personnes sont nées pour ce métier. « C’est beaucoup de pression sur nos épaules. Si tu fais une seule erreur de calcul, les erreurs vont s’enchaîner les unes après les autres. Tout part de l’arpenteur. » Christopher est confiant, il sait qu’il sera capable d’endurer cette pression.

 

 

Bien que le choix semble évident, il est difficile de faire le saut, surtout avec la petite famille à la maison. « C’était comme sauter à l’eau. Avant, tout est stable, et tout d’un coup, ce ne l’est plus », explique Christopher. Lorsqu’il parle de ce projet d’études avec son père, ce dernier ne le croit pas. Son fils a tellement de bonnes conditions. Est-il certain de vouloir lâcher tout ça?

Christopher se remémore aussi cette confidence très touchante de son père : « Ta présence me rassure sur le chantier. » Il trouve difficile de quitter son père, qui est son modèle, mais aussi son quotidien qu’il connaît si bien. Toutefois, son instinct l’emporte : Christopher décide de s’inscrire à l’école. « Si je dis quelque chose, je le fais » raconte-t-il. Malgré ses premières hésitations, son père l’encourage dans sa démarche et se dit fier de son garçon.

 

Un avenir sans compromis

 

Maintenant, du lundi au vendredi et selon un horaire bien précis, Christopher suit ses cours d’arpentage et de topographie. Habitué à la vie de chantier où il n’y avait aucun temps mort, il prend maintenant goût à cette routine mieux adaptée à sa vie de famille. « C’est probablement une des meilleures choses que j’ai accomplies. Je n’ai jamais autant profité de la vie! » s’exclame-t-il.

Une fois ses études complétées, Christopher espère retourner rapidement sur les chantiers et si les circonstances le permettent, travailler à nouveau avec son père.

 

 

Dans la dernière année, le jeune homme a tiré une leçon de vie : l’importance de s’écouter et de se respecter. Car avant d’entamer son retour à l’école, Christopher s’était fait promettre un avenir idyllique par ses patrons. Toutefois, leurs promesses semblaient l’emprisonner dans une cage dorée. « J’ai choisi d’aller à l’école pour moi, pas pour une compagnie. Je ne voulais pas me sentir redevable envers les autres toute ma vie. Seulement envers moi-même. »

Le retour sur les bancs d’école de Christopher aura été semblable à un pari. Il a tenté sa chance et a misé sur lui. En l’écoutant raconter son histoire aujourd’hui, on peut dire avec conviction qu’il a remporté le gros lot.