Histoires inspirantes

BERNARD

photo EMMMM-Bernard

« Avec la covid-19, je me suis retrouvé sans emploi après 32 ans comme gestionnaire d’immeuble. Pourquoi ne pas me diplômer en attendant? Avant même d’avoir terminé mon diplôme, on m’a proposé d’enseigner à mon tour! Retourner aux études, c’est le plus beau cadeau que je me suis fait. »

Diplômé en entretien d’immeubles

L’homme qui pouvait tout faire

 

Bernard aime prendre soin des autres et est toujours prêt à rendre service. Muni de son coffre à outils, il a souvent réparé de petits et gros bris dans les tours d’habitation.

Équipé de son chariot rempli de produits ménagers, il a nettoyé avec minutie les aires communes de condos. Avec sourire et bienveillance, il s’est préoccupé du bien-être de chacun des résidents. Avec débrouillardise et compétence, il a vu à l’entretien de bâtiments résidentiels pendant plus de trois décennies.

Bernard a entre autres été concierge, gérant et surintendant d’immeubles.

Jusqu’en 2020, où la COVID-19 a paralysé le monde entier. Un arrêt forcé qui n’a pas empêché Bernard de foncer.

 

De la poussière sous le tapis

 

Bernard n’a pas eu une enfance facile. Né à Montréal au courant des années 60, il est le fils de ce que l’on appelait à l’époque une fille-mère. Comme cette dernière avait des problèmes de comportement, le petit garçon a séjourné à de nombreuses reprises dans des familles d’accueil, en plus d’être envoyé au couvent. L’école est rapidement devenue un refuge pour ce jeune qui souhaitait simplement s’évader de la maison.

« J’aimais apprendre même si je n’étais pas un bon élève. J’avais un trouble du déficit de l’attention et je réussissais mes cours de justesse », se remémore Bernard. Afin de passer le plus de temps possible à l’école, il s’impliquait dans toutes les activités. La vie scolaire n’était pourtant pas rose, elle non plus, puisque Bernard y était victime d’intimidation au quotidien. « J’étais roux, gros et homosexuel. Une cible facile… Mais moi, je voulais juste être aimé ! », explique-t-il.

À 16 ans, Bernard se trouve un logement au-dessus d’une brasserie. Le jour, il va en classe et continue ses études secondaires, tandis que la nuit, il bosse dans le débit de boisson. Son horaire est difficile à gérer, mais il doit tenir bon pour subvenir à ses besoins. Son emploi finit cependant par prendre le dessus et il abandonne ses cours. Comme il aime la compagnie des gens, il poursuit sa voie dans la restauration pendant deux autres années. Toutefois, sa carrière prend fin abruptement alors qu’il est victime d’un vol à main armée et est grièvement blessé durant un quart de travail.

 

Les grands chamboulements

 

Deux longues années seront nécessaires pour que Bernard se rétablisse complètement de ce violent accident. Toutefois, après ce repos forcé, il était prêt à retourner sur le marché du travail. Grâce à un programme gouvernemental, il trouve un emploi comme concierge dans un immeuble résidentiel. Rapidement, son savoir-faire et sa bonne humeur contagieuse sont recherchés par plusieurs. Ainsi, sans diplôme ni formation officielle, il enchaînera pendant plus de 30 ans les contrats dans ce milieu par le bouche-à-oreille.

En mars 2020, la crise sanitaire mondiale de COVID-19 met un frein aux activités professionnelles de Bernard, qui travaillait alors sur le chantier d’une nouvelle tour de condominiums. « Tout s’est arrêté subitement. Je me demandais ce que j’allais bien pouvoir faire », se rappelle-t-il. « J’ai rapidement compris que la pandémie se prolongerait pendant plusieurs mois. Je me suis dit que c’était le moment parfait pour retourner à l’école ! » Bernard sait bien que même s’il a bonne réputation dans son domaine et que tout le monde le veut dans son équipe, les employeurs ne le rémunèrent pas adéquatement comme il n’a pas de diplôme. « Je répare tout, je remets les logements en état, et pourtant, je ne suis pas payé à ma juste valeur », explique-t-il. Ce deuxième arrêt forcé ne sera pas de tout repos : il souhaite en profiter pour compléter un DEP et devenir gestionnaire d’immeuble.

 

Bonifier son coffre à outils

 

Bernard s’inscrit au programme en Entretien général d’immeuble à l’École des métiers du meuble de Montréal. Il recommande d’ailleurs cette formation spécialisée aux gens qui ne sauraient pas trop vers quelle branche se diriger puisqu’elle permet de tester tous les chemins possibles. On y enseigne la plomberie, l’électricité, la peinture, la pose de céramique, le recouvrement de sol, la ventilation et la climatisation, tout en touchant au domaine administratif.

 

 

Heureusement, Bernard a pu accélérer son parcours scolaire grâce à la reconnaissance des acquis et des compétences de ses trente années d’expérience. Un revirement de situation l’attendait après la remise des diplômes : une offre d’emploi comme enseignant dans le programme qu’il venait de terminer ! « Mes professeurs ont vu quelque chose en moi ! », raconte-t-il en riant.

Dès ses premiers jours en poste, Bernard tombe en amour avec cette profession qu’il n’avait jamais pensé exercer. « J’étais fou de joie ! Enseigner m’a ouvert les yeux. J’ai compris que je raffolais de transmettre mes connaissances à des jeunes et des plus vieux de toutes les nations du monde », explique-t-il. « C’est un changement de carrière important, mais je trouve que ça ressemble un peu à mon ancien travail, où je veillais au bien-être de chaque locataire. » En enseignant, Bernard peut continuer de prendre soin des autres, mais d’une nouvelle façon.

 

 

S’il souhaitait devenir gestionnaire d’immeuble il y a quelques mois, le voici maintenant déterminé à poursuivre des études en enseignement. « Je me suis inscrit au baccalauréat à l’Université de Sherbrooke. J’ai vraiment eu la piqûre ! » raconte-t-il. À l’aube de ses 56 ans, Bernard prévoit de retourner sur les bancs d’école en septembre pour entamer le prochain chapitre de sa vie.